J'ai eu du flutter sur un D119 il y a longtemps. C'était un dimanche après midi de printemps (ce détail est important) très ensoleillé, un bonheur après une semaine plutôt froide et une nuit glaciale. A cette époque les avions à train classique n'ont pas la côte; il y avait trois D119 au club, tous construit par l'ancien mécano, maintenant à la retraite du club, un seul était en situation V et nous n'étions que trois (sur une centaine d'adhérents au club) à voler dessus. Le président du club demandait que tout les avions du club, même ceux qui n'étaient pas autorisés de vol soient sortis, dès le matin et alignés sur le parking. il tenait à donner une image de puissance et de moyens de son club.
J'installe mon passager (premier vol) et fait la pré-vol de mon avion favori, je ne remarque rien de particulier. Comme le règlement du club le stipule, j'ouvre le carnet de route et inscrit l'heure et mon nom sur la page ad hoc, je constate que bien qu'il soit maintenant 15h00 ce serra le premier vol de la journée pour cet avion. Mon passager râle car il se brûle les fesses sur les coussins; la verrière n'a qu’un verrouillage fermé, comme le vent est capricieux en vallée du Rhône et la verrière plutôt fragile, elle est restée fermée toute la journée. Je met en route le ventilateur qui est devant et en laissant une petite ouverture à la verrière, je roule pour le seuil de piste. ACHEVER , alignement décollage, mise à pleine puissance, mettre l'avion en ligne de vol et il quitte tout seul la piste, accélération en se tenant à dix centimètres de l'herbe (je sais ce n'est plus à la mode, maintenant dès Vr on doit prendre la pente de montée). A 160 Km/h je tire le manche et la fusée Jodel monte à 45°, c'est pour le plaisir et taquiner les pilotes des DR 315 et leurs varios chétifs. Comme la vitesse chute, je rend la main et nous continuons sur une trajectoire plus orthodoxe. Arrivé à 1500 pieds je stabilise et prend la direction de l’Ardèche; les couleurs sont magnifiques en cette saison.
Le vent du sud souffle aux environs de trente nœuds et le Jodel étant d'une nature papillon nous sommes assez brassés, mais cela reste dans l'acceptable pour mon niveau de pilotage et pour cet avion. Nous franchissons le Rhône et le relief génère de puissantes pompes, j'explique à mon passager que l'on va prendre un ascenseur gratuit et cherche le ressaut. Je suis à 2200 trs/min et 150 Km/h. Coups de pied aux fesses et le vario se bloque en positif, Le manche se met alors à vibrer très fortement. Un coups d’œil sur l'aile gauche qui se tord sous la commande d'un aileron devenu fou; Il oscille fortement, à priori sur tout son débattement; un flutter sévère. Tout l'avion est soumis à ces intenses vibrations . Je réduit complètement le moteur et tire le manche assez fortement et donne du gauchissement à gauche; un instructeur m'avait donné cette consigne (si un jour cela t'arrive); le truc qui prend le relais de ma conscience et commande directement mes muscles, quand se presentent des situations d'urgences à encore agit: j'ai constaté l'action de mes muscles et n'ai pas le souvenir de l'avoir consciemment commandé. La réduction de vitesse, combinée à la mise sous charges ont stoppé le flutter. Je rétablis mon Jojo à 90 Km/h et 1900 Trs, il vole droit le dessus de l'aile ne présente pas de traces visibles de déformations, juste je constate que j'ai du jeu dans les ailerons. J'ai peur qu'une poulie ou un renvois malmené par l'entrée en résonance décide que trop c'est trop. Je décide de ne plus les utiliser durant le vol de retour, le Jojo se mène très bien aux pieds seuls, au prix d'un petit dérapage en entrée de virage. Pour réduire aux maximum les efforts sur la structure La force du vent étant proportionnelle au carré de la vitesse,(l'énergie, quant à elle, est proportionnelle au cube de cette vitesse). Je ne doit pas trop réduire de peur de prendre une rafale dans la queue qui ferait décrocher l'avion. J'adopte donc une vitesse de 110 Km/h et le pilote avec douceur, je lui murmure nous avons une longue histoire d'amour, toi et moi; ne me laisse pas tomber. Il semble d"accord et nous revenons au terrain en faisant des virages à 10° et les variations d'assiette au compensateur, la profondeur n'a pas été concernée par le flutter, mais les commandes d'ailerons et de profondeur sont commandé par le même manche, donc prudence. Je prend le temps d'expliquer à mon passager ce qui s'est passé et les raisons de mon pilotage un peu particulier, à ces questions techniques et son calme, je constate qu'il n'est pas effrayé et qu'il a confiance en moi, essayons de ne pas le décevoir! Une longue finale après une approche directe et les roues tournent sur le gazon . Je déverrouille la verrière et aspire goulûment l'air frais. Retour au parking et avec le mécano, nous cherchons la cause et vérifions les fixations des poulies, des attaches, des nervures au droit des ailerons; Nous ne constatons aucun dégât, la cause est une tension très insuffisante des câbles de commandes. Le mécano, livret d'aéronef à l’appui, m'affirme qu'il a procédé à ce réglage ce jeudi, il a noté la tension de réglage (de mémoire entre 12 à 14 kg) le réglage s’effectue à l'aide d'un tensiomètre que l'on insert sur le câble les ailerons en position neutre, il dévie un peu le câble et on mesure la force nécessaire pour obtenir ce déformé. Le système est simple sans possibilité de fausses interprétation et le mécano est une personne digne de confiance; Si le réglage a bien été fait, il y a trois jours, que c'est-il passé pour qu'aujourd'hui le câble est complètement détendu au point d'avoir du jeu.
Après différentes hypothèses (poulie défectueuses attaches ayant cédées nous arrivons au constat que seul la température est en cause: jeudi il faisait très froids, alors qu'après sa journée au soleil aujourd'hui la température élevée a dilaté les câbles d'une valeur incroyable mais que nous retrouverons par calcul. Le mécano refait les réglages et m'invite à faire le vol d’essai, mon passager qui doit avoir peur que je l'invite pour ce vol prétexte une soudaine obligation et fuit (je n'avais de toute façon pas l'intention d'emmener un extérieur au club pour ce type de vol). Le vol sera parfait et je retrouve la précision des commandes auxquelles mon Jojo m'avais habitué. Conclusions: lors de changements de températures de grandes amplitudes le contrôle des tensions de câbles est vital.
